Buzzlab, le label rap made in Sénégal

Buzzlab, le label rap made in Sénégal

26 août 2020 0 Par khalil
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Buzzlab, le label dirigé par le rappeur sénégalais Canabasse vient de sortir son premier album For The Buzz 4 après plusieurs mixtapes. Devenu chef d’entreprise avec la création d’un studio de production et d’une marque streetwear, l’auteur de Pop a shit revient sur la naissance de cet album et des critiques qui ont escorté sa sortie.

 For The Buzz 4, le tout premier premier album du collectif Buzzlab est sorti le 7 août. Après trois mixtapes, c’est une sorte de consécration…
Canabasse : Oui, on peut dire ça ! Depuis le lancement de Buzzlab en 2013, on ne faisait que des mixtapes en effet et beaucoup attendaient cet album. Aujourd’hui, c’est une véritable évolution avec huit artistes présents sur l’album dont Cheeks, Cool Black Lion, Zou Kana. Cet album a pris du temps mais, il ne faut pas oublier que la vocation de Buzzlab est d’aller à la découverte de talents et leur permettre de se révéler. Il y a eu de belles révélations depuis le lancement, mais aussi des départs pour des carrières solo.

Comment se passe le « casting » avec Buzzlab ? Quels profils sont visés ?
C’est vraiment au feeling, on ne fait pas de casting à proprement parler. Parfois c’est juste du bouche à oreille. Maintenant qu’on a fait nos preuves, pour le recrutement des nouveaux artistes, c’est eux-mêmes qui viennent nous voir. D’autres fréquentaient déjà notre studio d’enregistrement, donc il y avait déjà une certaine connexion quand on les a découverts. 

Vous subissez déjà des critiques sur le style de vos poulains dans cet album. On parle souvent de rap dilué, pas assez « dirty source »…
Tout le monde est libre de critiquer. Le public est assez mature et ouvert pour juger ce qu’on lui donne. Ceux qui critiquent ne se sont basés que sur ce dernier album, mais ce qu’on a fait est en phase avec notre public. Le problème de cet album, d’après les critiques, c’est qu’il n’y a pas trop cette identité hip-hop qui veut des morceaux où l’on clashe. Cet album n’est pas agressif. Et justement, c’est cela qu’on voulait; apporter du son mature sur la forme et sur le fond. On a traité des sujets sociaux sur un fond musical vraiment accessible au grand public. Aujourd’hui, un jeune qui écoute cet album, peut aussi le faire écouter à ses parents.

C’est donc une petite rupture parce qu’avant dans vos sons et dans vos clips on voyait beaucoup de scènes à l’américaine avec des jolies filles, de l’argent qui circule à flot, de belles voitures…
Exactement, c’est une rupture et une évolution. Sur notre dernier clip, Bou Bakh bi (C’est la bonne) les images sont très soft et socialement acceptables. Aujourd’hui, le hip-hop sénégalais est en déphasage total avec la société sénégalaise. Une vieille maman qui regarde un clip de rap sénégalais ne comprendrait pas forcément ce qu’on veut dire. Dans le dernier clip sorti, on a une fille voilée, on a des jeunes qui travaillent, qui aspirent au mariage, donc à fonder une famille. C’est vraiment cette image qui est en phase avec nos réalités. Et de l’autre côté, il y a des rappeurs qui véhiculent un message qui ne colle pas avec les réalités sociales. 

Vous étiez un rappeur en vogue avant de lancer Buzzlab et d’autres activités. Cela a considérablement ralenti votre carrière personnelle. C’est un peu opter pour la création d’entreprise au détriment de la création artistique ?
J’avoue que le fait d’avoir ouvert la porte à d’autres artistes a un peu bloqué ma carrière personnelle. Le temps que je mettais à mûrir mes projets s’est trouvé divisé par le nombre d’artistes qui étaient au studio. Cette double casquette a effectivement un revers : depuis 2016, je n’ai pas sorti d’album solo. Mais, Buzzlabb est aussi important pour moi, cela permet de renouveler la scène du hip-hop sénégalais. Dans ce pays peu d’artistes de l’ancienne génération ont ce reflexe-là; pousser les jeunes à bénéficier de leurs propres expériences. Aujourd’hui, je réfléchis pour trouver un équilibre, car je ne compte pas arrêter ma carrière solo. J’ai un public qui m’attend.

Comment vous voyez les perspectives de Buzzlab sur la scène internationale ?
Il faut se mettre aux normes internationales en faisant des mélodies accessibles, et une musique originale. Mais au Sénégal, notre frein à l’international c’est la langue. On rappe en langue locale qui est le wolof. Au Sénégal, 14 titres sur 16 de notre album trustent les 14 premières places de Deezer Sénégal, mais à l’extérieur, c’est moins visible. Je pense que pour aspirer à une carrière internationale, il faut rapper dans une langue internationale comme le français ou l’anglais. À défaut, on peut se rattraper au niveau de la forme en essayant d’apporter des sonorités qui sont plus ou moins habituelles au public international. Il nous faudra innover.

For The Buzz 4 (Buzzlab) 2020

RFI