Kofi Annan, «le meilleur secrétaire général de l’histoire des Nations unies»

Kofi Annan, «le meilleur secrétaire général de l’histoire des Nations unies»

18 août 2018 0 Par khalil
Publicités

Kofi Annan, septième secrétaire général des Nations unies (1997-2006), est mort, a-t-on appris ce samedi 18 août 2018. Il avait 80 ans. Très respecté, Kofi Annan a été le premier homme noir à diriger l’Organisation des Nations unies (ONU), dont il connaissait tous les rouages après y avoir travaillé pendant plus de 40 ans. Unanimement reconnu comme un homme de paix, il a obtenu conjointement avec l’ONU le prestigieux prix Nobel de la paix en 2001, « pour leur travail en faveur d’un monde mieux organisé et plus pacifique ».

Kofi Annan, septième secrétaire général des Nations unies de 1997 à 2006, a été « l’un des dirigeants les plus visionnaires et plus démocratiques du monde », pour reprendre les mots de l’ancien directeur de l’office des Nations unies à Genève, Vladimir Petrovsky.

Pour Thobjorn Jagland, ministre norvégien des Affaires étrangères (2000-2001), ancien Premier ministre et secrétaire général du Conseil de l’Europe, il était un dirigeant « intelligent et courageux ». « Quand il entre dans une pièce, une onde de sérénité se propage. On dirait le pape », déclare un ancien ministre européen.

Kofi Annan a ainsi su s’attirer les éloges des diplomates du monde entier. L’ancien ambassadeur américain à l’ONU, Richard Holbrooke, le considère comme « le meilleur secrétaire général de l’histoire des Nations unies, sans exception ».

Par son habileté, son opiniâtreté et son intégrité, le Ghanéen disparu le 18 août a su être un interlocuteur accepté aussi bien par les Chinois que par les Américains, les musulmans, les Occidentaux, les Arabes, les Israéliens, le Nord et le Sud. Il a dirigé l’ONU dans un monde où la guerre froide était terminée, mais où d’autres conflits faisaient rage, comme en Yougoslavie, en Tchétchénie ou au Congo. Dans un monde aussi où le XXIe siècle s’ouvrait, traumatisé par les attentats du 11 septembre 2001.

Agir avec courage et avec cœur pour résoudre les conflits

Visionnaire, Kofi Annan a contribué à remettre les Nations unies au cœur du règlement des conflits. Il est parvenu à résoudre plusieurs oppositions épineuses, avec un mélange inédit de douceur, de charme et de franc-parler. Ses interventions ont été capitales à la frontière israélo-libanaise en 2000, ou lors de l’escalade américano-irakienne en 1998, année où il a obtenu la signature d’un accord sur le contrôle des sites militaires irakiens.

Son action au sein de l’ONU s’est concentrée sur la réorganisation interne des Nations unies, le développement de la lutte contre le sida, la poursuite des efforts de paix au Proche-Orient et le développement économique et social.

En manager hors pair, Kofi Annan a toujours su impressionner ses interlocuteurs par son élégance et sa courtoisie jamais prises à défaut. Calme et toujours à l’écoute, Kofi Annan était également capable d’humour vache. La France s’opposait à sa candidature pour succéder à l’Egyptien Boutros Boutros-Ghali comme secrétaire général, car elle voulait un vrai francophone à la tête de l’ONU. Il avait ridiculisé l’argument en parlant anglais avec un accent français.

Docteur honoris causa de plusieurs universités (Dresde, Princeton, Gand, Neuchâtel, etc.), Kofi Annan a remporté de nombreux prix et récompenses pour son action au sein de l’ONU, dont le prestigieux prix Nobel de la paix, en 2001, avec l’ONU, « pour leur travail en faveur d’un monde mieux organisé et plus pacifique ». Il avait jugé « presque indécent » de se voir attribuer un tel prix en pleine guerre d’Afghanistan et en plein conflit au Proche-Orient. Le dernier et le seul autre secrétaire général des Nations unies à avoir reçu le Nobel de la paix était le Suédois Dag Hammarskjoeld, en 1961, à titre posthume.

« On l’a beaucoup critiqué comme étant l’homme des Etats-Unis, mais il est l’homme de la communauté mondiale », a déclaré Geir Lundestad, directeur de l’Institut Nobel, ajoutant : « Cela s’est confirmé lors de sa réélection le 27 juin 2001. […] Annan a reçu le soutien de l’Afrique, bien sûr, mais aussi de l’Asie et de toutes les grandes puissances même si la Chine a un peu traîné les pieds. » Sa réélection pour un mandat de cinq ans a été votée de façon unanime par les 189 Etats membres de l’ONU.

« Homme des Etats-Unis », avant la brouille de la guerre « illégale » en Irak

Lui qui est le premier secrétaire général à sortir des rangs du personnel de l’organisation a toujours eu une grande volonté de la réformer. Son image assez docile, d’« homme des Etats-Unis », qu’il avait au début de son mandat, s’explique par le fait qu’il a été élu secrétaire général de l’ONU en 1996 avec le soutien de Washington. En 2001, il a déclaré « approuver les raids américano-britanniques en Afghanistan appelant toutefois à tout faire pour épargner la population civile ».

Mais les relations entre Kofi Annan et la Maison Blanche se sont gâtées en 2003, avec l’invasion américaine de l’Irak. En 2004, il qualifie cette guerre d’« illégale », une opinion qu’il confirme tout au long de sa vie. Le secrétaire général a perdu un de ses proches à cause de la guerre, Sergio Vieira de Mello. Tué par un attentat-suicide à Bagdad le 19 août 2003, Sergio Vieira de Mello était, depuis mai 2003, le représentant de Kofi Annan en Irak, une mission qui était censée durer quatre mois. Il était perçu comme un successeur potentiel de Kofi Annan à la tête des Nations unies.

Lors du dernier discours qu’il a tenu devant un public américain en tant que secrétaire général de l’ONU, Kofi Annan s’est montré sévère envers le président des Etats-Unis George W. Bush et sa politique. Dans la bibliothèque Harry Truman à Independence, dans le Missouri, Kofi Annan a rappelé l’héritage de ce même Harry Truman, un des fondateurs des Nations unies, qui disait : « La responsabilité des grands Etats est de servir les peuples du monde, pas de les dominer. »

Sans jamais prononcer le nom de George W. Bush, il a, en filigrane, critiqué sa politique : « Par le passé, l’Amérique a été à l’avant-garde du mouvement mondial pour les droits de l’homme. Mais, pour ce pays, la seule manière de rester en tête sera de se montrer fidèle à ses principes, jusque dans la lutte contre le terrorisme. » A l’époque, ces déclarations ont choqué les conservateurs américains.

Plus de 40 ans dans le système onusien

Né le 8 avril 1938 à Kumasi au Ghana, Kofi Annan, qui a une sœur jumelle, est issu d’une famille aristocratique de négociants. Il a étudié à l’Université scientifique et technologique à Kumasi. En 1961, il obtient sa licence d’économie au Macalester College, à Saint Paul, dans le Minnesota (Etats-Unis). En 1961-1962, il effectue des études de troisième cycle en économie à l’Institut universitaire des hautes études internationales à Genève (Suisse). En 1971-1972, il obtient son diplôme de maîtrise en sciences de gestion au Massachusetts Institute of Technology.

Kofi Annan entre à l’ONU en 1962 comme fonctionnaire d’administration et du budget auprès de l’Organisation mondiale de la santé à Genève. Il a travaillé plus de 40 ans dans le système onusien. Il a été en poste à la Commission économique des Nations unies pour l’Afrique, à Addis-Abeba (Ethiopie), à la Force d’urgence des Nations unies, à Ismaïlia (Egypte), au Haut Commissariat des Nations unies pour les réfugiés à Genève.

Puis, au siège des Nations unies, à New York, il a été sous-secrétaire général à la gestion des ressources humaines et coordonnateur des Nations unies pour les questions de sécurité, puis sous-secrétaire général à la planification des programmes, au budget et à la comptabilité, puis contrôleur et enfin secrétaire général adjoint aux opérations de maintien de la paix.

Après l’ONU, il a créé la Fondation Kofi-Annan, dont l’objectif est de « mobilise[r] la volonté politique pour vaincre les menaces pesant sur la paix, le développement et les droits de l’homme ». Il est également nommé président de l’ONG Global Elders, un groupe de « sages universels » qui œuvre pour la paix et les droits de l’homme dans le monde. Parmi eux, figurent notamment Desmond Tutu, Jimmy Carter et Nelson Mandela, jusqu’à sa mort.

En 2006, il a créé, avec le dessinateur français Plantu, Cartooning for Peace, une association de caricaturistes de presse engagés contre l’intolérance et pour le « respect des cultures et des libertés ». Le 23 février 2012, il est nommé envoyé spécial conjoint de l’ONU et de la Ligue arabe pour la crise syrienne. Mais il démissionne de ce poste moins de six mois plus tard, le 2 août.

Père de trois enfants, Kofi Annan a d’abord été marié à une Nigériane dont il a eu un fils et une fille. Il a ensuite été marié à Nane Lagergren, juriste et artiste suédoise, nièce du diplomate Raoul Wallenberg, qui a sauvé des milliers de juifs en Hongrie pendant la Seconde Guerre mondiale.

Un homme sujet à la critique et aux erreurs

Un de ses regrets à l’ONU a été de ne pas avoir pu réformer le Conseil de sécurité, pour qu’il reflète mieux le monde du XXIe siècle, et non plus celui « de 1945 ». Les opérations onusiennes ont été « désastre[uses] » au Darfour et en Somalie pendant ses deux mandats, selon cet homme qui n’a jamais hésité à reconnaître ses échecs.

Kofi Annan a dit « accepter la critique » lorsqu’un rapport indépendant l’a jugé responsable « d’erreurs de gestion substantielles » dans l’affaire Pétrole contre nourriture. Ce programme onusien devait permettre au régime irakien de Saddam Hussein de vendre du brut en échange de biens de consommation, pour atténuer les effets de l’embargo sur les civils. Mais Saddam Hussein s’est livré à de la contrebande en surchargeant les pétroliers et aurait, selon une enquête indépendante, détourné près de 1,8 milliard de dollars.

Dans ce dossier, Kofi Annan a été lavé des accusations les plus graves. Il n’a pas été jugé coupable d’entorses à l’éthique ni de corruption, notamment car rien n’indique qu’il ait su que la Cotecna, une entreprise suisse qui employait son fils Kojo Annan, tentait d’obtenir un contrat onusien, qu’elle a remporté. Kofi Annan a simplement été « négligent », selon les enquêteurs et partage les torts avec un Conseil de sécurité divisé, une organisation trop bureaucratique, certains responsables corrompus et un régime irakien manipulateur.

Enfin, à l’époque du génocide anti-tutsi du printemps 1994 au Rwanda, Kofi Annan était secrétaire général de l’ONU chargé des opérations de maintien de la paix. Certains reprochent à l’organisation internationale de ne pas avoir réagi à temps aux massacres. Kofi Annan s’est excusé au nom des Nations unies, exigeant plusieurs rapports internes sur les dysfonctionnements dans l’organisation sur le Rwanda, mais aussi sur la Bosnie.