NIANING : ENCORE UN LITIGE FONCIER.

NIANING : ENCORE UN LITIGE FONCIER.

15 février 2022 0 Par khalil
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Un Titre Foncier de 239 256 m2 attribué à un Français sème le malaise

Pendant que les énergies se cristallisent autour des 8 hectares du domaine militaire à Ouakam, à Nianing dans la Petite côte, c’est un titre foncier de près de 24 hectares octroyé à un Français dans des conditions à élucider qui suscite plaintes et interrogations.

Une histoire rocambolesque. Elle porte sur un titre foncier d’une superficie de 239 256 m2 sis à Nianing, attribué par l’Etat du Sénégal à Monsieur Mathias Cavallo, de nationalité française. A priori, rien d’extraordinaire ou d’anormal. Mais à y regarder de près, le dossier est rempli de zones d’ombre, de contradictions et d’incongruités. D’abord, dans le bail qui a précédé l’attribution du titre foncier, il était indiqué ceci : ‘’Monsieur S. Ndao (alors préfet de Mbour) donne à bail à M. Mathias R. P. Cavallo qui accepte, un terrain nu d’une contenance superficielle de 239 256 m2 sis à la Résidence Nianing, formant le lot SN à détacher par voie de morcellement du titre foncier 3107/MB, propriété exclusive de l’Etat du Sénégal.’’ Première bizarrerie !

En effet, au moment où l’Etat parle de ‘’terrain nu’’ dans ledit contrat de bail, il se trouve que des dizaines de maisons ont déjà été construites sur une partie du même titre et cédées depuis des années, vers 2010-2011, à des tiers par le même Mathias Cavallo. Les autorités ont-elles été abusées par ce dernier ? Ont-elles mené tous les prérequis avant de donner un bail au preneur ? Elles sont nombreuses les questions qui taraudent les occupants de la Résidence Nianing qui s’estiment lésés. Des questions d’autant plus légitimes que dans le bail susvisé, l’Etat précisait ce qui suit : ‘’Il est interdit au preneur de sous louer ou de céder, en totalité ou en partie, les droits résultant à son profit du présent bail, sans autorisation préalable du directeur des domaines compétent’’.

Aussi, exige le contrat, il faudrait mettre en valeur le terrain dans un délai maximum de 3 ans. D’ailleurs, l’autorité administrative soulignait que la violation de ces deux conditions peut être cause de résolution du contrat. Et c’est là les deuxième et troisième bizarreries de ce dossier qui a fini de plonger les acquéreurs initiaux, pour l’essentiel des ressortissants étrangers, dans un dépit profond et l’incompréhension totale. En effet, au moment où l’Etat interdit de sous louer à des tiers, il existait déjà des tiers sur le même titre et qui justifient de délibérations du Conseil municipal de Malicounda, approuvées par l’autorité administrative.

Cavallo a obtenu le TF sur le dos des occupants à qui il avait lui-même vendu les villas

Il n’empêche, muni de son droit de bail sur les terrains qu’il avait déjà vendus, Monsieur Cavallo a poursuivi sa procédure jusqu’à l’obtention d’un titre foncier. Mais comment l’Etat peut-il avoir ignoré que ledit titre a déjà fait l’objet d’un morcellement ; les villas construites et cédées par le même Cavallo depuis fort longtemps à des tiers qui ont leur délibération délivrée par la collectivité territoriale ?

Interpellé, un expert du droit foncier tente d’expliquer sous réserve d’en savoir plus sur le dossier. Il déclare : ‘’Avant de donner un bail sur un terrain, l’Etat procède d’abord à l’immatriculation du terrain à son nom. Et pour procéder à l’immatriculation, il a dû mener ce que l’on appelle une enquête de commodo incommodo. Celle-ci consiste à informer le public sur ses intentions d’immatriculer le terrain et à demander à ceux qui y ont des intérêts de se signaler.’’

En l’espèce, cette enquête a certes été menée et a dû être infructueuse, selon nos informations. Personne ne s’étant signalé, l’Etat a donné d’abord le bail à Monsieur Cavallo, puis un titre foncier définitif. Mais si l’autorité a pu ignorer les droits de ces tiers, le bénéficiaire, lui, a certainement agi en parfaite connaissance de cause. Lui-même ayant cédé sous forme de bail des villas construites sur le même terrain à raison de 60 millions de francs CFA par villa. Pour réussir une telle opération, soutiennent les contestataires, il leur avait fait croire qu’il disposait d’un bail. Un titre qu’il finira par obtenir sur leur dos des années plus tard, alors même qu’une bonne partie de ses droits ont déjà été cédés.

La responsabilité de l’Etat en question

Ce qui pousse à se demander : qui peut initier une procédure d’attribution de bail ? Selon le site de la Direction générale des impôts et des domaines, un bail peut être délivré à toute personne qui occupe déjà ou qui a identifié un terrain dépendant du domaine privé de l’Etat. Parmi les documents à fournir, le portail mentionne une demande manuscrite, quatre exemplaires certifiés conformes d’un extrait de plan foncier indiquant le lieu de situation du terrain, certifiés par le chef du service du Cadastre.

Dans ce dossier, l’enjeu financier est aussi assez important. En effet, si les vœux de Monsieur Cavallo se réalisent, il pourrait amasser jusqu’à plus d’un milliard de francs CFA. Dans un premier temps, il avait demandé 5000 francs le m2. Face au refus des co-contractants, il consent de baisser le prix à 3000 francs CFA le m2. Pour les acquéreurs, il en est hors de question. Si titre foncier, il doit y en avoir, cela devrait être à leur profit comme leur vendeur leur avait promis dans le contrat initial. Si paiement de droits, il doit y en avoir, ce sera pour le compte de l’Etat et non de Monsieur Cavallo. Ils avaient d’ailleurs formé un collectif et saisi les tribunaux pour défendre leurs droits.

Aux origines du litige

Tombés sous le charme du Sénégal, des dizaines d’étrangers avaient décidé d’acquérir des résidences dans la petite côte, plus précisément à Nianing, pour y passer des jours paisibles. Si au début, tout semblait se dérouler dans les règles de l’art, des troubles les taraudent depuis quelques mois, et cela ne cesse d’aller crescendo. En effet, le Monsieur qui leur avait vendu les villas à 60 millions l’unité, leur promettant des baux, est retourné devant les services compétents aux fins d’obtenir un bail, mais pour son propre compte. Après avoir obtenu le bail, il poursuit la procédure jusqu’à l’obtention d’un titre foncier.

Or, dans le contrat de réservation que nous avons parcouru, il était prévu que la SARL, Les jardins du Sahel, de Monsieur Cavallo a loué par bail emphytéotique de 99 ans un terrain de 78 295 m2 sis à Nianing. Selon les termes de ce contrat, un plan parcellaire officiel devait être joint au dossier, pour les besoins du transfert de bail. Mais en lieu et place d’un transfert de bail, ils ont eu droit à des délibérations du Conseil municipal de Malicounda.

En vue de rassurer ses contractants, fulminent les contestataires, le vendeur leur disait que le terrain est déjà protégé par un bail emphytéotique de 99 ans, qu’il est déjà enregistré chez le notaire et l’acte est validé par plusieurs autres institutions comme les impôts et domaines.

lequotidien.sn